- Les insights des experts
- Posts
- Le product management est mort (ou le sera bientôt)
Le product management est mort (ou le sera bientôt)
À l’ère de l’IA, le Product Owner se transforme en expert, combinant compétences produit, design et tech pour piloter la stratégie et innover, libérant le potentiel humain grâce à l’automatisation.
Au fil des évolutions technologiques, le rôle de Product Owner (PO) a souvent été questionné. Avec la déferlante de l’intelligence artificielle, certains prophétisent sa disparition pure et simple. Pourtant, la réalité qui se dessine est bien différente : loin de s’éteindre, le métier de PO est en pleine métamorphose. Claire Vo, Chief Product & Technology Officer chez LaunchDarkly, a récemment provoqué le débat en déclarant que le « product management est mort ». Son message, volontiers provocateur, cache en réalité une conviction : le modèle traditionnel du PO est en train de changer radicalement. Loin d’être relégués au placard, les PO de demain devront embrasser de nouvelles compétences et endosser un rôle plus polyvalent qu’aucun algorithme ne pourra remplacer.
Avant l’IA – Élaborer une stratégie produit relevait d’un processus laborieux mobilisant clients, équipes et itérations multiples . L’illustration ci-dessus (extrait d’une présentation de Claire Vo) caricature ce cycle long : interviews utilisateurs 😊, notes et réunions d’équipe 🤔, nombreuses versions de documents de stratégie (V0, V1, final-final 🏆)… Un investissement en semaines de travail intense pour aboutir à « Mon incroyable stratégie produit (version finale) ». Désormais, l’IA promet de condenser ce travail en quelques heures, voire minutes.
Dans cet article, nous allons explorer cette évolution du rôle des Product Owners à l’ère de l’IA. À travers des cas concrets d’entreprises pionnières, des statistiques clés et des avis de leaders du secteur, nous verrons comment l’IA redéfinit la gestion de produit et quelles compétences « augmentées » seront requises des PO de demain. Chaque section peut se lire indépendamment, pour un panorama à la fois surprenant et instructif de l’avenir du Product Management.
L’IA prend en charge la routine – le PO se concentre sur l’essentiel
Une grande partie du travail traditionnel du Product Owner consiste en des tâches fastidieuses et répétitives : écrire des user stories, prioriser un backlog, analyser des retours utilisateurs, documenter les fonctionnalités, etc. Bonne nouvelle : l’IA excelle dans ces tâches de routine, libérant ainsi du temps aux PO pour se concentrer sur ce qui apporte une véritable valeur ajoutée. Claire Vo l’affirme sans détour : « De nombreuses tâches traditionnellement gérées par les product managers – comme traduire les retours clients en spécifications – seront automatisées. Ces tâches vont se réduire, ce qui donnera aux PM plus de temps pour apporter de la valeur d’une autre manière » . En France, des experts constatent déjà ces gains de productivité : « Les études commencent à montrer un gain de temps moyen de 60% sur [la création du backlog] grâce à l’IA » . Là où un PO passait autrefois plusieurs jours à structurer son backlog, un assistant IA peut désormais générer une première version cohérente en quelques minutes, que le PO n’a plus qu’à affiner.
Les chiffres confirment cet essor de l’automatisation. Selon Forrester, jusqu’à 80 % des tâches administratives et répétitives liées au product management pourraient être automatisées grâce à des outils IA . De même, une étude récente de McKinsey a mesuré qu’en utilisant des outils de génération de contenu (générative AI), les product managers accomplissent les tâches « lourdes en contenu » (rédaction de notes de cadrage, rédaction de spécifications, etc.) 40 % plus vite, en moyenne . Les tâches plus légères (synthèse de données pour présentation, par ex.) gagnent aussi en efficacité (~15 % de temps en moins) . L’expérience terrain corrobore ces données : Claire Vo a conçu ChatPRD, un copilote IA pour PM, qui permet de rédiger un Product Requirement Document complet en une heure au lieu d’une journée entière . Les utilisateurs de cet outil confirment « faire en une heure ce qui prenait un jour », transformant ainsi le PO d’aujourd’hui en un véritable “super-humain” augmenté par l’IA.
En utilisant des outils de génération de contenu (générative AI), les product managers accomplissent les tâches « lourdes en contenu » (rédaction de notes de cadrage, rédaction de spécifications, etc.) 40 % plus vite, en moyenne
Ces automatisations ne signifient pas que le Product Owner n’a plus rien à faire – bien au contraire. Libéré de la charge de travail mécanique, le PO peut se recentrer sur ses missions nobles : la vision produit, la stratégie, la collaboration avec les parties prenantes et la créativité. « L’automatisation libère du temps aux PM pour qu’ils se focalisent sur les activités qui font la différence, comme le développement de la stratégie produit » explique Malte Scholz, CPO de Airfocus. Il souligne que l’IA est excellente pour analyser des données ou détecter des motifs, « mais qu’elle manque d’intelligence émotionnelle et de compréhension du contexte » – des qualités humaines indispensables en gestion de produit. Ainsi, pendant que les algorithmes gèrent la « basique », le PO peut jouer pleinement son rôle de chef d’orchestre, là où sa compréhension fine des utilisateurs et sa créativité stratégique sont irremplaçables.

Cette infographie (données Goldman Sachs) montre la part des tâches de travail pouvant être automatisées par l’IA dans différents domaines, avec en moyenne 25 % des tâches automatisables . Elle illustre le gain de temps potentiel pour les Product Owners, l’IA prenant en charge une partie significative des tâches routinières et répétitives.
Au-delà des frontières : vers le Product Owner full-stack
Si l’IA se charge du gros œuvre, quel sera le nouveau visage du PO ? Plus transversal, plus stratège, plus technique aussi. Beaucoup envisagent l’émergence du Product Owner “full-stack”, capable de naviguer de la vision d’affaires aux considérations UX et jusqu’aux implications techniques. Cette polyvalence accrue n’est pas qu’une vue de l’esprit : c’est l’une des deux voies d’évolution principales identifiées par Claire Vo. « À l’avenir, deux chemins potentiels s’ouvrent aux product managers : soit devenir plus orientés business (un rôle de mini-DG, avec responsabilité sur la performance), soit faire tomber les silos traditionnels et converger les rôles de product, design et engineering vers un nouveau type de leader responsable de l’ensemble du développement produit » . Dans les deux cas, rester coincé dans le rôle intermédiaire du “passeur” non décisionnaire n’est plus viable à long terme . En clair, le PO de demain doit soit élargir son périmètre vers le business, soit le densifier en intégrant davantage la technique et la conception.
Plusieurs leaders partagent ce constat. Nitin Bhat, CPO de Workiva, observe par exemple que « le product management évolue vers un rôle beaucoup plus complet englobant le design, les opérations et le go-to-market » . Le PO devient un architecte transversal, aussi à l’aise pour discuter expérience utilisateur que pipeline technologique ou positionnement commercial. « Un CPO est l’unique rôle du comité de direction, à part le CEO, qui touche à toutes les fonctions de l’organisation », résume Renée Niemi (Produits That Count) – c’est dire si la vision holistique est cruciale . À l’échelle opérationnelle, cela signifie que les POs doivent pouvoir collaborer étroitement avec tous les métiers. Comprendre les données devient incontournable : « L’IA force les product managers à comprendre la donnée. Si tes données ne sont pas au niveau, l’IA ne servira à rien » rappelle Inbal Shani, CPO de Twilio . Elle ajoute que l’essor de l’IA amène aussi des enjeux accrus de sécurité et de confidentialité, domaines que les PO ne peuvent plus ignorer : « Il faut penser à prévenir les vulnérabilités… L’IA a augmenté la fraude, le spam, le phishing… » . Autrement dit, le périmètre de compétence du PO s’agrandit pour intégrer des considérations autrefois laissées à d’autres (analystes data, RSSI, etc.).
Cette convergence des compétences modifie aussi la relation avec les équipes techniques. Demain, un Product Owner hybride pourra par exemple parler d’égal à égal avec les data scientists de son équipe sur la qualité des données d’entraînement d’un modèle, tout en challengeant le marketing sur la proposition de valeur, et en esquissant lui-même des wireframes avec un outil de design assisté par IA. Cela ne veut pas dire que le PO doit tout faire seul, mais qu’il doit avoir assez de culture dans chaque domaine pour orchestrer efficacement l’ensemble. « Les product managers devraient s’approprier la responsabilité de la précision des données, au lieu de compter uniquement sur d’autres équipes » souligne aussi Nitin Bhat – signe qu’un PO bien outillé en IA pourra lui-même vérifier et améliorer la qualité des données qui nourrissent sa stratégie produit.
Études de cas : quand l’IA révolutionne la gestion de produit
Rien de tel que des exemples concrets pour illustrer cette transformation. Plusieurs entreprises, des géants du web aux startups innovantes, ont déjà intégré l’IA au cœur de leur gestion produit, redéfinissant de fait le rôle de leurs Product Owners. Tour d’horizon de quelques cas d’usage emblématiques.
• LaunchDarkly – un CPO qui s’auto-automatise : Nous avons évoqué Claire Vo, qui dirige Product et Tech chez LaunchDarkly. Son parcours est un cas d’école de transformation proactive du métier. Frustrée par le temps perdu sur des tâches répétitives (comme la rédaction de documents produit ou la compilation de retours clients), elle a développé en interne un agent IA, ChatPRD, pour s’assister elle-même et ses équipes. En quelques mois, ce qui était un simple prompt ChatGPT est devenu un véritable produit utilisé par plus de 10 000 product managers dans le monde . ChatPRD génère des Product Requirement Documents, propose des backlogs structurés et même des suggestions de roadmap à partir d’objectifs stratégiques. Cette initiative montre deux choses : (1) un PO outillé d’IA peut atteindre une efficacité démultipliée (Claire Vo parle de tâches accomplies « mille fois plus vite qu’avant les LLMs » ), et (2) le rôle du PO s’étend jusqu’à créer lui-même les outils dont il a besoin. En automatisant une partie de son propre travail, la CPO de LaunchDarkly a pu dégager du temps pour innover davantage – une boucle vertueuse où le PO devient aussi concepteur de solutions IA pour améliorer son produit et sa fonction.
• Airbnb – l’IA au service de l’expérience client : Du côté des startups de la Silicon Valley, Airbnb a su très tôt tirer parti de l’IA pour améliorer la mise en relation entre hôtes et voyageurs. Connu pour son algorithme de matching, Airbnb utilise le machine learning afin d’optimiser la recherche de logements et la personnalisation des résultats. Selon son CPO, l’entreprise a intégré l’IA à de nombreux points du parcours utilisateur : classement des annonces les plus pertinentes, aide à la fixation des prix pour les hôtes, détection des fraudes, etc. . Pour les Product Owners chez Airbnb, cela signifie travailler main dans la main avec les équipes data afin de *« former » l’IA sur les préférences des utilisateurs et d’affiner constamment les modèles en fonction des retours. Le PO devient donc un expert de l’optimisation par l’IA pour l’expérience client : il doit comprendre les recommandations de l’algorithme, détecter les biais éventuels, et surtout imaginer de nouvelles fonctionnalités rendues possibles par ces capacités prédictives. Un exemple récent est l’intégration d’un outil de génération de descriptions d’annonces par IA pour aider les hôtes : c’est le produit qui se co-construit avec l’IA, sous la supervision du PO.
• Google – l’IA pour passer à l’échelle : Chez Google aussi, les Product Owners ont vu leur quotidien évoluer avec l’incorporation massive de l’IA dans les produits. Un cas significatif est celui de l’assistance client par chatbot. Inbal Shani (aujourd’hui CPO de Twilio) raconte son expérience chez Microsoft il y a quelques années : « Nous construisions un agent conversationnel pour le support client… Les clients ne voulaient pas parler à un bot, mais le volume de tickets rendait impossible un support 100% humain » . Il a donc fallu créer un chatbot intelligent capable de résoudre la plupart des problèmes courants, tout en prévoyant une intégration fluide avec les agents humains pour les cas complexes . Pour les PO de ces projets IA, le défi est double : développer la technologie et accompagner les utilisateurs dans le changement. Comment convaincre des clients habitués à un humain qu’un bot peut les aider ? Comment mesurer la satisfaction et le taux de résolution ? Le Product Owner a dû orchestrer les efforts de design UX (donner une personnalité au bot), de data science (améliorer la compréhension du langage naturel) et de support (former les agents humains à reprendre la main à bon escient). Ce type de projet illustre la nouvelle dimension “Change Management” du rôle : la réussite d’un produit à base d’IA dépend autant de la tech que de l’adhésion des utilisateurs – un aspect que le PO doit piloter avec finesse.
En combinant ces exemples, un constat s’impose : l’IA transforme la gestion de produit en profondeur, mais elle renforce aussi l’importance du Product Owner. Chaque avancée technologique crée de nouvelles opportunités à exploiter et de nouveaux problèmes à résoudre : c’est précisément là que le PO est indispensable. Amazon a besoin de PO pour définir les règles métiers de ses algos d’automatisation, LaunchDarkly pour imaginer les usages de son copilote, Airbnb pour garder un œil humain sur sa plateforme automatisée, Google/Microsoft pour humaniser les chatbots… Dans toutes ces entreprises, les PO ont évolué, pas disparu.
Ce qu’en disent les leaders : retours d’expérience de DSI et CPO
Les dirigeants en première ligne de cette révolution confirment l’évolution du métier et esquissent le profil des PO de demain. Voici quelques enseignements et conseils issus de leurs retours d’expérience :
• Adoptez l’IA dès maintenant – « Tous les rôles vont changer, pourquoi pas celui-ci ? Les gens devraient déjà être en train de changer. Si vous n’avez pas commencé ce voyage, il sera trop tard », prévient Claire Vo . Son avertissement s’adresse aux PO et CPO : l’IA n’est plus un gadget futuriste mais un outil concret qui fait gagner un temps précieux dès aujourd’hui. Les entreprises en pointe l’ont compris : d’après une enquête Pragmatic Institute, 65 % des professionnels produit ont déjà intégré l’IA dans leurs processus . « Ne restons pas aveugles à la vitesse à laquelle l’IA change la donne… Le risque d’obsolescence technologique est réel », déclarait même un répondant de l’étude . En somme, former vos équipes produit à l’IA et expérimenter avec ces outils est devenu impératif pour rester compétitif.
• Le PO augmenté, pas remplacé – Les craintes de voir l’IA voler les emplois sont tenaces (70 % des PM s’inquiètent que l’IA puisse prendre leur poste ), mais elles ne se vérifient pas. « Il n’y a aucune donnée qui indique que l’IA va piquer votre job », rassure Malte Scholz . Au contraire, l’IA crée de nouveaux besoins : « Le nombre d’emplois liés à l’IA a augmenté de 450% depuis 2013 », note le Forum Économique Mondial . Dans le produit, l’IA apparaît surtout comme un copilote. « L’IA ne vous remplacera pas, mais un humain qui utilise l’IA vous remplacera » – cette citation du professeur Richard Baldwin est souvent reprise par les CPO . Autrement dit, le vrai danger n’est pas l’IA elle-même, mais de refuser de la prendre en main. Un PO qui embrasse ces technologies deviendra infiniment plus efficace qu’un PO qui s’en méfie : c’est lui qui aura l’avantage dans l’organigramme de demain.
• Mesurez l’impact et la valeur – Les décideurs insistent sur l’importance de piloter l’IA par la valeur. Inbal Shani rappelle qu’il faut « savoir quand utiliser l’IA et pourquoi – car c’est coûteux – et vérifier le ROI réel pour le client » . De même, chez Amazon, on ne déploie une automatisation que si elle améliore des KPIs métier (délai de livraison, disponibilité stock, etc.). Le conseil ici est de traiter l’IA comme un investissement stratégique, avec des objectifs clairs (accélérer le time-to-market, réduire un churn, améliorer un NPS…) et des mesures en place. « L’IA ne sauvera pas une équipe sans stratégie claire », avertit le rapport Pragmatic . Un PO doit donc renforcer ses compétences en mesure de performance et en analytique, pour prouver – chiffres à l’appui – que les outils IA qu’il déploie font progresser le produit.
• Collaborer encore plus étroitement – Si l’IA abat les cloisons de compétences, elle impose en retour une collaboration plus forte entre les rôles. « Le succès d’un CPO se mesure à sa capacité à établir la collaboration avec ses pairs et à connecter les points dans l’entreprise », dit Inbal Shani . Les DSI (Directeurs des Systèmes d’Information) confient d’ailleurs que la frontière entre IT et métier s’estompe : *« DSI, reconnectez la vision opérationnelle aux équipes » lisait-on dans un récent webinaire . Pour le PO, cela signifie travailler main dans la main avec la DSI sur l’intégration des outils IA, avec le Directeur Data sur la gouvernance des données, avec le DRH sur la montée en compétences des équipes, etc. Les organisations qui réussissent leur transformation produit avec l’IA sont souvent celles qui créent des équipes pluridisciplinaires (fusion teams) où PO, ingénieurs, data scientists et designers co-inventent les nouvelles solutions. Le PO y joue le rôle de chef d’orchestre fédérateur, armé d’une compréhension assez fine de chaque domaine pour faire le lien.
En synthèse, la parole des leaders du secteur est claire : l’IA va redéfinir le métier, mais c’est aux Product Owners d’en saisir les opportunités et de guider le changement. « Au lieu de voir l’IA comme une menace, les PM devraient la considérer comme leur acolyte : elle ne peut pas faire leur job seule, mais elle est incroyablement utile » .
Nouvelles compétences requises : le bagage du PO 2.0
Face à ces évolutions, quelles sont les compétences clés qu’un Product Owner doit développer pour prospérer à l’ère de l’IA ? Plusieurs enquêtes récentes dressent un portrait-robot des skills du PO du futur.
D’après le rapport 2024 du Pragmatic Institute, les compétences les plus recherchées pour une gestion produit pilotée par l’IA sont : le Prompt engineering (cité par 61 % des leaders produit), la décision éthique appliquée à l’IA (61 % également), la compréhension du machine learning (58 %) et la maîtrise de l’analyse de données (58 %) . Fait intéressant, seulement 15 % des répondants estiment que la programmation est une compétence critique pour les PO . Ceci confirme une chose : pour exceller avec l’IA, un PO n’a pas besoin d’être codeur, mais il doit savoir formuler les bonnes demandes à l’IA, interpréter ses résultats et l’utiliser de façon responsable et stratégique. En somme, il faut être plus concepteur qu’exécutant : savoir modéliser un problème pour l’IA (quelle prompt ou quelles données fournir), puis exploiter le résultat en gardant du recul (vérifier la cohérence métier, filtrer les biais, décider de la suite).
Au-delà de l’IA elle-même, le sens business reste central. Le PO de demain devra combiner à la fois des compétences techniques élargies ET une compréhension aiguë du marché, des clients, de la stratégie. Cette combinaison est parfois appelée le profil “T-shape” (très large dans les connaissances, et avec quelques domaines d’expertise profonde) ou même “π-shape” (expertise double en tech et business, par exemple). Un Chief Product Officer expliquait récemment que pour recruter ses PO, il cherche des personnes capables de « relier les points entre toutes les fonctions de l’entreprise » . Concrètement, un PO 2.0 pourrait être à la fois un peu data scientist, un peu designer UX, un peu stratège marketing… tout en restant le champion de l’utilisateur final. Cette polyvalence, qui aurait semblé incongrue il y a quelques années, devient possible grâce à l’IA (qui fournit des “béquilles” techniques dans chaque domaine), et surtout nécessaire pour orchestrer des produits de plus en plus complexes.
L’apprentissage continu sera aussi une qualité majeure. « Parlez à de nombreux experts et apprenez en continu », conseille Nitin Bhat aux product managers . Les technologies évoluent vite (LLM, computer vision, nouvelles plateformes…) et le cadre réglementaire aussi (ex : RGPD, IA Act en préparation). Un bon Product Owner devra se tenir à jour des avancées technologiques et des bonnes pratiques éthiques pour anticiper leur impact sur son produit. En interne, cela passera par des formations, du mentorat, ou même la cooptation de profils atypiques dans les équipes produit (ex : des chercheurs en IA intégrés à l’équipe PM).
Enfin, des compétences humaines renforcées feront la différence. Avec l’omniprésence des outils digitaux, les interactions purement humaines deviendront précieuses. Un PO charismatique, sachant communiquer une vision et inspirer la confiance dans un contexte de transformation, sera hautement valorisé. De même, la pensée critique (pour questionner les recommandations de l’IA quand il le faut) et la créativité (pour imaginer des solutions inédites qu’une IA n’aurait pas proposées) deviendront des atouts maîtres. En un mot, le Product Owner de l’ère IA devra être un leader augmenté : augmenté par la technologie, mais aussi dans ses capacités d’analyse, d’adaptation et d’empathie.
Conclusion : un avenir prometteur pour les Product Owners augmentés
Loin des scénarios dystopiques où l’IA remplacerait les humains, l’avenir du Product Owner s’annonce au contraire comme un formidable terrain de jeu. Les IA seront nos machines et nos assistants, prenant en charge les bases du travail, tandis que les PO pourront se hisser vers des rôles plus stratégiques, plus créatifs, plus englobants. En synthèse : le PO ne disparaîtra pas – il va se réinventer. Son périmètre s’étendra à de nouvelles disciplines (data, IA, éthique, change management), ce qui le rendra d’autant plus indispensable pour créer du lien et du sens dans des organisations pilotées par la technologie.
Les décideurs – DG, DSI, CPO – ont tout intérêt à accompagner cette mutation. Il s’agit de former des Product Owners nouvelle génération, capables de tirer le meilleur de l’IA tout en portant la vision métier. Cela passe par de la formation (par exemple, aux techniques de prompting ou aux fondamentaux du machine learning), par l’ajustement des méthodes de travail (intégrer l’IA dans le cycle Agile, dans les outils de productivité), et par une évolution de la culture d’entreprise. Les organisations qui réussiront seront celles qui considèrent l’IA non pas comme un gadget, mais comme un levier de productivité et d’innovation, sans jamais perdre de vue que la vraie décision reste humaine.
En 2025, Gartner prédit que 80 % des entreprises utiliseront l’IA pour augmenter la productivité de leurs équipes . Dans ce contexte, le Product Owner de l’ère de l’IA devient un chef d’orchestre augmenté, un polyglotte du business et de la tech. Ses super-pouvoirs : une vision panoramique, une maîtrise des outils d’IA, et cette intelligence humaine irremplaçable qui permet de comprendre le cœur des clients et d’aligner toute l’organisation pour les servir. Le défi est grand, mais le potentiel l’est tout autant. En embrassant l’IA, les Product Owners ont l’opportunité de redéfinir leur métier et de jouer un rôle central dans la prochaine révolution industrielle. Et comme le souligne Claire Vo, la question à se poser n’est pas « L’IA va-t-elle me remplacer ? » mais bien « Que vais-je faire de mon temps libéré par l’IA pour porter mon produit encore plus loin ? » . Ce temps nouveau qui s’offre aux PO est une chance inédite de créer, innover et donner vie à des produits que nul n’aurait imaginés sans la collaboration étroite de l’homme et de la machine. En un mot, l’avenir du Product Owner s’écrit en partenariat avec l’IA, et il n’a jamais été aussi passionnant.
Sources : Claire Vo (LaunchDarkly) dans OpenAI ; Claire Vo interview Command.ai ; Étude McKinsey 2024 sur l’IA générative et les PM ; Enquête Pragmatic Institute 2024 ; Interview Inbal Shani (Twilio) ; Synthèse ProductsThatCount (Workiva) ; Case Amazon (Hands off the Wheel) ; Blog Wenvision (cas d’usage IA/PO) ; Malte Scholz, Product Drive 2023 ; Autres références citées dans le texte.